Le point de vue de la CARMF sur la réforme

Notre rôle n’est évidemment pas de décider la réforme, mais de rendre une expertise.
Toute réforme comprend au moins deux volets :
- un volet philosophique porté par le Haut-Commissariat à la réforme des retraites (reproductibilité des carrières, prise en compte de la maternité, périodes sans emploi, passage en point…) ;
- un volet technique porté par les caisses mais subrogés par le ministère.

 

Le volet philosophique
Verser à chacun une retraite garantie dans le temps. Avec pour principe que « chaque euro cotisé donne les mêmes droits ». Face à cette proposition qui emporte tout sur son passage, on ne peut qu’être d’accord ! Il faudra cependant nuancer, le diable se cachant dans les détails.

 

Le volet technique

De façon pragmatique, il faut que les cotisations couvrent rigoureusement les allocations, à un horizon minimum d’une génération. Rappelons quand même ici que « les retraites publiques pèsent plus de 14 points de PIB sur une dépense publique de 56 points de PIB soit précisément le quart »*.

 

Comment réussir la réforme ?

Sur l’expérience et la compétence : à la CARMF les régimes fonctionnent en points, la retraite peut y être prise à 62 ans, le rendement est de 5 %, les cotisations sont supportables pour ses cotisants.
En fait la CARMF est la seule caisse, actuellement, qui réponde à tous les critères du régime universel. Ce que Monsieur Delevoye a d’ailleurs confirmé lors de notre colloque.
À ce stade, il est indispensable de préciser que la CARMF est non seulement une caisse de retraite, mais qu’avec votre cotisation en plus de votre retraite : la CARMF fait de la prévoyance, de l’invalidité, couvre le décès, de l’action sociale et ainsi assume ses populations précaires ou en difficultés, dispose de 7 milliards de réserves qui protègent les plus jeunes générations d’un ajustement financier.
Le tout en autofinancement, sans un centime d’argent public, bien au contraire !
Voilà pourquoi la CARMF, légitime dans son analyse des volets techniques et financiers de cette réforme, arrive à la conclusion que pour être viable, il est souhaitable de limiter la réforme à UN Plafond de Sécurité sociale (PSS), soit à peu près 40 000 € (quand le régime universel de retraite, selon les principes actuellement retenus par Monsieur Delevoye, entendrait remplacer les régimes existants, de base et complémentaires, et s’appliquer aux revenus d’activité du premier euro jusqu’à 3 PSS, soit environ 120 000 €).

 

Pourquoi limiter la réforme à un PSS ?

Ce sont les experts qui le disent. Elle serait ainsi immédiatement réalisable. Monsieur Bozio, inspirateur de la réforme, affirmait, lors du colloque de la CARMF du 26 octobre 2018 que pour réussir une telle réforme il faut aller vite, moins d’un an.
- À un PSS la réforme concernerait 83 % des français, 100 % des plus fragiles ;
- À un PSS la réforme ne démembrerait pas quelque chose qui fonctionne bien. Cela permettrait à la CARMF de conserver un régime complémentaire qui concernerait 87 % des cotisants. Monsieur Delevoye a d’ailleurs confirmé lors du colloque que les caisses de retraite sont à l’équilibre ou presque) ;
- À un PSS, la réforme laisserait le temps aux autres caisses d’aller vers les critères de convergence : passage en points, si cela est réalisable ! (« la retraite par points un désastre annoncé » !*), âge de départ à 62 ans, rendement, cotisations (« taux implicite de cotisation des fonctionnaires 74 %, taux du privé 28 % »*) ;
- À un PSS la réforme éviterait la création d’une structure à la gouvernance floue, monstrueuse, et disposant d’un pouvoir d’abus de position dominante… En effet, qui dirigera le régime universel dans la pratique ? L’État, fort de sa gestion ?

 

La réforme est-elle viable ?

Comment aujourd’hui prétendre créer un régime universel avec un équilibre technique, quand on ne connaît même pas les conditions d’attribution des points de retraite ? Comment assurer un équilibre technique où les cotisants d’aujourd’hui assurent les droits des allocataires acquis sous d’anciennes conditions ? Les augmentations de cotisations et les baisses de points sont donc inéluctables dans un régime unique de retraite : « Naturellement il ne faut pas insister sur le fait que la valeur du point peut baisser aussi bien que monter : compte tenu de l’état de l’économie française, elle aura tendance à baisser, y compris une fois que vous êtes déjà parti à la retraite car elle sera calculée chaque année. Le but réel du régime par points est de baisser les retraites sans le dire et en faisant sauter les systèmes de solidarités qui sont inclus dans le système actuel. »*

Comment calculer un équilibre technique sans disposer préalablement des bases de calculs ? On fait d’abord la réforme, puis on équilibre ensuite ? N’est-ce pas mettre la charrue avant les bœufs ?

 

Ce que propose la CARMF

La CARMF ne saurait en aucun cas s’exonérer de sa responsabilité dans la solidarité nationale.
Nous pensons qu’il est normal et naturel de créer en France un grand espace de solidarité et de sécurité pour tous les français au moment de leur vie où ils ne peuvent plus de par leurs capacités contributives personnelles assurer leurs besoins et ceux de leurs ayants droit.

Néanmoins, nous proposons de ne pas basculer dans l’inconnu, mais plutôt de faire vivre et d’étendre un système qui fonctionne. Ce système, immédiatement transposable est à un plafond de la Sécurité sociale.

Nul corporatisme dans cette solution que nous proposons !
« La vérité au sein d’un régime paramétré rénové est infiniment préférable à la variabilité d’un régime à points qui prépare l’appauvrissement spectaculaire des classes populaires à terme * ».

Ensuite, des expertises techniques et les convergences réalisées par les caisses nous diront si un autre modèle est possible ou souhaitable.

 

*Lire interview de Christian Saint-Étienne, Professeur titulaire de la chaire d’économie au Conservatoire national des arts et métiers. (Les Échos, 31 octobre 2018).

 

La fin du « dialogue » ?

Alors que la réforme des retraites s’annonce comme un changement sociétal majeur, la CARMF s’interroge sur le mode de concertation. En effet, à ce stade, seules deux réunions entre le Haut-Commissariat à la réforme des retraites et la CARMF ont eu lieu, consistant à nous informer de la philosophie de la réforme et de ses motivations, appuyées d’aucune étude d’actuaires, précise et circonstanciée. Le tout a duré moins de trois heures.

Aucune n’a apporté de réponse claire à nos questions entre autre :
- Le devenir de nos réserves ?
- Quelle garantie technique et pratique des droits acquis ?
- Quel avenir pour l’ASV ?
- Quel avenir pour la prévoyance ?
- Quel avenir pour l’action sociale ?
- Quel avenir pour la CARMF ?
- Quels choix techniques pour l’interopérabilité des systèmes d’information ? (pour faire évoluer en interne, notre propre informatique, il va nous falloir probablement cinq ans pour 200 000 personnes. Comment dès lors envisager la transition pour 16 millions de retraités et 35 millions d’actifs dans le régime général ?).

Il ne semble plus exister de volonté d’échanger de la part des pouvoirs publics, le projet devant vivre et prospérer de la seule décision de ses initiateurs et peu importe les interrogations !