Réforme du régime ASV

Article 47 du projet de loi de financement de la sécurité sociale

I. - La section 1 du chapitre V du titre IV du livre VI du code de la sécurité sociale est remplacée par les dispositions suivantes :
 « Art. L. 645-1. - Les médecins, chirurgiens dentistes, sages-femmes et auxiliaires médicaux mentionnés à l’article L. 722-1 et les directeurs de laboratoires privés d’analyses médicales non médecins mentionnés à l’article L. 162-14 bénéficient d’un régime de prestations complémentaires de vieillesse propre à chacune de ces catégories professionnelles.

 « Ces prestations ne peuvent être attribuées qu’à des médecins, chirurgiens-dentistes, sages-femmes, auxiliaires médicaux et directeurs de laboratoires privés d’analyses médicales non médecins ayant exercé, au moins pendant une durée fixée par décret, une activité professionnelle non salariée dans le cadre des conventions ou adhésions personnelles mentionnées aux articles L. 722-1 et L. 162-14.

 « Pour chacun des régimes mentionnés au premier alinéa, des décrets peuvent prévoir que les personnes dont l’activité non salariée ne constitue pas l’activité professionnelle principale ou dont le revenu professionnel non salarié est inférieur à un montant fixé par décret pourront demander à être dispensées de l’affiliation aux régimes prévus au présent chapitre.

« Art. L 645-2. - Le financement des régimes prévus au premier alinéa de l’article L 645-1 est assuré par une cotisation annuelle obligatoire, distincte selon les régimes, dont le montant est fixé par décret. « Le versement de cette cotisation annuelle ouvre droit, pour chacun des régimes, à l’acquisition d’un nombre de points dans des conditions déterminées par décret.“

« Art. L. 645-3. - Pour chacun des régimes prévus au premier alinéa de l’article L. 645-1, une cotisation d’ajustement peut être appelée, dans des conditions fixées par décret en sus de la cotisation prévue à l’article L. 645-2.

Cette cotisation annuelle obligatoire est proportionnelle aux revenus que les intéressés tirent de l’activité mentionnée aux articles L. 722-1 et L. 162-14. Le versement de cette cotisation ne donne pas lieu à l’acquisition de points supplémentaires.

  Néanmoins, tout ou partie de cette cotisation peut ouvrir droit à des points supplémentaires dans des conditions fixées par décret, après avis des sections professionnelles des régimes mentionnés à l’article L. 645-1.

« Art. L. 645-4. - Les prestations complémentaires de vieillesse prévues au premier alinéa de l’article L. 645-1 et les pensions de réversion y afférant sont servies aux intéressés par les sections professionnelles mentionnées à l’article L. 641-6, dans des conditions fixées par décret.

« Art. L. 645-5. - La valeur de service du point de retraite pour les prestations de droit direct et les pensions de réversion liquidées antérieurement au 1er janvier 2006 est fixée par décret pour chacun des régimes.

« Les points non liquidés et acquis antérieurement au 1er janvier 2006 ouvrent droit à un montant annuel de pension égal à la somme des produits du nombre de points acquis chaque année par une valeur de service du point. Cette valeur, fixée par décret, peut varier selon l’année durant laquelle les points ont été acquis et selon l’année de liquidation de la pension.

« Les points acquis à compter du 1er janvier 2006 ouvrent droit à un montant annuel de pension égal au produit du nombre de points portés au compte de l’intéressé par la valeur de service du point. Cette valeur de service est fixée par décret. »

II. - Au premier alinéa de l’article L. 645-6 du même code, les mots : « et rendus obligatoires en application de l’article L. 645-3 » sont abrogés.

III. - Les dispositions du présent article entrent en vigueur le 1er janvier 2006.

 

Conséquences pratiques

Ce texte permet d’appliquer les propositions de l’IGAS, à savoir :

Pour les retraités :

  • blocage du point 20 ans, soit 30 % de baisse en moyenne selon l’inflation,

Pour les cotisants :

  • nouveaux points : passent de 15,55 € à 8,2 €,
  • points acquis avant 1992 : passent de 15,55 € à 5,3 €,
  • points acquis entre 1992 et 2005 : passent de 15,55 € à 10,5 €.

La cotisation actuelle, déconnectée du C, peut ainsi être gelée.
Une deuxième cotisation, sans points, naîtra et augmentera au fil du temps en fonction des besoins.

A terme, doublement en 20 ans.

 INACCEPTABLE

Lettre adressée le 11 octobre 2005 à Philippe SÉGUIN, Président de la Cour des Comptes.

Monsieur le Président,
[...] nous nous étonnons de ne pas trouver, concernant les responsabilités et les propositions qui devraient immédiatement en découler, un très grand absent, le principal responsable qu’est l’État.

C’est l’État qui a voulu ce régime et surtout qui l’a piloté, notamment en distribuant les « points » que vous évoquez et qui déséquilibrent de manière considérable ce régime, empêchant même toute réforme honorable.

La Cour des Comptes propose d’en faire payer le montant aux seuls médecins, ce n’est pas acceptable.

Une réforme acceptable serait une réforme qui ferait intervenir tous les participants et surtout les responsables. Celui qui a voulu puis ordonné des dépenses, doit les financer et non les faire financer par d’autres. Ne pas poser ce principe conduira à une réforme, maintien ou fermeture, qui ne sera jamais acceptée par les médecins.

Les médecins n’accepteront des sacrifices, afin que la génération à venir ne soit pas lésée, qu’à condition de ne pas être les seuls à le faire.

Si ce rapport avait dénoncé clairement les responsabilités des uns et des autres, il aurait facilité une réforme plus juste où les responsables paieraient et non les victimes.

Veuillez agréer, Monsieur le Président, l’assurance de notre haute considération.

Extrait de la réponse du 21 octobre 2005 de Philippe SÉGUIN, Président de la Cour des Comptes.

Monsieur le président,
[...]
Vous estimez que la responsabilité de cette situation dégradée incombe principalement à l’État. Je ne partage pas votre opinion sur ce point. L’analyse faite par la Cour montre que cette responsabilité est partagée entre les signataires des conventions médicales en l’occurrence les organisations syndicales représentatives des médecins libéraux, les caisses d’assurance maladie et l’État qui approuvaient les conventions. Cette responsabilité est donc collective.
[...]

Lettre adressée le 11 octobre 2005 à Xavier Bertrand, Ministre de la Santé et des Solidarités.

Monsieur le Ministre,

Nous avons eu connaissance, dans un premier temps par la presse, de l’article 49 du Projet de Loi de Financement de la Sécurité Sociale pour 2006 relatif à l’ASV. Nous nous étonnons de la teneur de cet article alors que nous sommes toujours en attente du rapport de l’IGAS qui inspire ce projet.

Vos collaborateurs nous indiquent depuis 18 mois que ce rapport est à la signature du Ministre pour nous être transmis. Nous souhaiterions en disposer le plus rapidement possible avant la discussion du projet de loi pour pouvoir argumenter lors des rencontres en cours avec la presse et les parlementaires. Avec humour, le Conseil d’Administration a souhaité vous offrir le stylo ci-joint pour en accélérer la signature.

Plus sérieusement, le Conseil d’Administration de la CARMF souhaite vivement une réforme de l’ASV qu’il réclame, sans être entendu, depuis des années. Contrairement à d’autres organisations qui s’opposent à cette réforme, nous ne sommes pas partisans de toujours remettre les problèmes à demain.

L’absence de concertation sur ce sujet avec les responsables et la profession n’est pas sans nous rappeler la mise en place d’un certain « plan Juppé » et il est à craindre que les conséquences n’en soient les mêmes.

Puis-je vous faire remarquer que les élus de la CARMF et leur Président sont actuellement les seuls à pouvoir entendre la nécessité d’une réforme et à la faire accepter par les confrères qui leur font confiance ? Bien évidemment, cela ne peut se faire dans n’importe quelles conditions, mais vous pourriez utilement trouver en nous, tant qu’il en est encore temps, de véritables interlocuteurs sur ce sujet.

Veuillez agréer, Monsieur le Ministre, l’expression de notre haute considération.

Lettres adressées le 12 octobre 2005 à l’ensemble des députés et sénateurs.

L’Assemblée Nationale [Le Sénat] va examiner le Projet de Loi de Financement de la Sécurité Sociale pour 2006. Les dispositions de l’article 49 [47] de ce projet concernent un des régimes de retraite des médecins, l’ASV, et font suite à un rapport récent de la Cour des Comptes.

Cela fait des années que la Caisse de retraite alerte les Pouvoirs Publics sur ce régime incohérent sur le plan économique car mal géré et ne remplissant pas le rôle qui lui était initialement dévolu, au bénéfice des Caisses d’Assurance Maladie et des médecins conventionnés.

Cela fait des années que nous alertons le Gouvernement, que nous faisons des propositions, que nous travaillons avec les différents organismes de contrôle comme l’IGAS et la Cour des Comptes, afin d’aboutir à une véritable réforme. Nous acquiesçons donc à la volonté de mener enfin une réforme.

Cependant, nous tenons à déplorer l’absence totale de concertation et nous avons appris cette proposition de réforme par la presse. Nous déplorons ce manque de respect des élus sociaux et de leur travail. Ce projet « ferait » suite à un rapport et à des propositions de l’IGAS. Nous avons aidé cette institution mais depuis près de deux ans, et bien que le rapporteur nous ait remerciés de notre participation et demandé qu’il nous soit communiqué rapidement, nous n’avons jamais été destinataires de ce travail.

Si ce projet d’article était accepté en l’état, il serait considéré par les médecins comme une provocation identique à un certain « plan Juppé ». Ne revenons pas sur le fond du problème et notamment sur les chiffres, ce sont les nôtres ; ils ont été vérifiés. En revanche, il convient de revenir sur l’historique afin de mieux comprendre ce régime et ce qui l’a conduit à la situation actuelle.

En premier chef, le rapport de la Cour des Comptes signale que ce régime a été rendu obligatoire afin de pousser les médecins à se conventionner. La réalité est un peu différente car lorsqu’il était facultatif et coûtait bien moins cher aux Caisses d’Assurance Maladie, 96 % des médecins étaient déjà conventionnés.

On a alors étendu, de façon inutile cette mesure à la totalité de la profession, et seulement en raison d’accords douteux entre quelques confrères et le Ministère des Affaires Sociales de l’époque.

Pour remplir ces objectifs, ce régime aurait dû être fondé en partie sur la capitalisation. En effet son concept fondateur était que les médecins qui acceptaient de limiter leurs honoraires en soient remerciés par une meilleure retraite financée par les caisses à hauteur des 2/3. Pour respecter cet esprit, le régime aurait dû continuer sous la forme « capitalisation » afin que l’argent versé par les Caisses soit rendu au moment du départ à la retraite. En fait, depuis l’origine, il n’en a rien été puisque tout a été distribué immédiatement avec un épuisement très rapide des 22 ans de réserves de l’époque.

Depuis, ce régime n’a cessé de distribuer des points gratuits notamment en 1972 et 1981, comme le remarque le rapport de la Cour des Comptes : distributions sans raisons et qui sont aujourd’hui à l’origine du déséquilibre du régime et des rendements excessifs critiqués et critiquables. Cela coûte effectivement des milliards à la Sécurité Sociale mais également aux médecins car ce régime est financé aujourd’hui à 50 % par les Caisses d’assurance Maladie et à 50 % par les confrères.

On retrouve à l’origine de ces mesures une signature, la même en 1972 et 1981, celle de Monsieur Jacques BARROT, Ministre des Affaires Sociales de l’époque, qui aura donc coûté effectivement quelques milliards aux Caisses d’Assurance Maladie, milliards financés par les salariés.

Sachez enfin que tous les décrets concernant les cotisations et les prestations n’émanent pas de décisions du Conseil d’Administration de la Caisse mais, toujours d’un seul et même responsable, l’État. De plus, cette cotisation augmentera sans doute de 30 % et sans attribution de points, ce qui représente véritablement un impôt et non une cotisation sociale. Cela est inacceptable. Il faut que vous connaissiez ces chiffres pour connaître les conséquences de votre vote.

La CARMF souhaite vivement qu’une réforme soit entreprise, sans délai et qu’on n’attende pas les élections de 2007. Nous comptons sur vous pour que les choses soient faites correctement.

Dans ce but, chacun devra faire des efforts : les médecins, les caisses et l’État.

Pour les médecins, nous sommes prêts à expliquer à nos confrères que cet effort passe peut-être par une nouvelle augmentation de la cotisation et une baisse des droits mais cet effort ne peut être fait que dans une réforme juste où chacun ferait les efforts correspondant à ses responsabilités.

Les Caisses, qui ont voulu cette ASV, souhaitent son maintien de manière peu compréhensible comme cela apparaît dans la réponse faite à la Cour des Comptes.

L’État, enfin, principal responsable financier de la catastrophe actuelle, doit également financer en fonction de ses responsabilités (et particulièrement pour les 30 % de points distribués gratuitement et qui ne doivent pas être à la charge des futurs cotisants). Le principe du budget de la République n’est il pas que lorsqu’on engage une dépense on en décide également le financement ?

Notre Conseil d’Administration ne trouve pas sain de maintenir ce régime et sa suppression ne serait pas un drame puisque les cinq professions médicales ou paramédicales concernées ont trois régimes de retraite par répartition obligatoires. Les ramener à deux les mettrait au niveau de tous les français.

Nous considérons qu’une fermeture pure et simple de ce régime serait préférable afin de ne pas continuer à distribuer des droits dans un régime qui ne satisfait personne tant sur le plan éthique que financier. Poursuivre coûterait plus cher et pérenniserait la situation actuelle.

Bien évidemment, la fermeture aurait un coût et nous souhaitons qu’il soit partagé équitablement.

Nos confrères feraient un effort par un abattement des droits. Nous sommes prêts à assumer la responsabilité de la répartition de cet effort entre les générations en trouvant un consensus intra professionnel. C’est notre rôle et nous l’assumerons.

L’État doit payer ce qu’il a promis et honorer les dépenses qu’il a lui-même ordonnées, ceci à hauteur de 25 à 30 % du coût de la fermeture.

Il ne resterait alors aux Caisses qu’à financer 50 % de la fermeture c’est-à-dire strictement ce qu’elles paient aujourd’hui, donc sans augmentation de coût ! Surtout, comme il n’y aurait pas de distribution de nouveaux points, ce financement des Caisses, au lieu de continuer à augmenter au fil du temps, diminuerait jusqu’à extinction du régime.

Depuis des années le Conseil d’Administration de notre Caisse s’occupe de ce régime. Plusieurs dizaines d’administrateurs ont réfléchi, ont fait tourner les ordinateurs de nos actuaires dans tous les sens avec des idées de toutes parts. Il n’y a qu’une seule solution, proposée ci-dessus.

Il est peu probable que nous défendions d’autres solutions puisque nous savons, pour y avoir suffisamment travaillé que c’est la seule possible. Nous demandons donc le rejet de l’article 49 [47] dans sa totalité, faute d’un conflit majeur avec la profession, mais nous restons ouverts à toute solution miraculeuse.

Nous sommes à votre disposition pour en discuter avec vous, avec le Président de la Commission des Affaires Sociales, avec tous ceux qui sont soucieux de voter un texte recueillant le plus large consensus, et nous serions déçus que face à l’ampleur du problème, il soit à nouveau repoussé.

Vous trouverez ci-joint une de nos dernières publications faisant le point sur ce régime, avec notamment les propositions chiffrées de l’IGAS.

Nous vous prions de croire, Madame, Monsieur le Député [Sénateur], à l’expression de notre haute considération.

Docteur Gérard MAUDRUX

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