Madame, Monsieur, Chère Consœur, Cher Confrère,
Dr Thierry Lardenois
Président
Une réforme est toujours intéressante en ce qu’elle vise à réfléchir à une situation et à l’améliorer, c’est en tout cas l’esprit dans lequel nous l’avions abordée. Tant de choses étaient possibles !
Mais qu’en est-il aujourd’hui pour les médecins ?
• « L’euro cotisé donne les mêmes droits »
Ce principe emblématique s’est enlisé dans ses contradictions et sa réalité antisociale. Actuellement, le taux de remplacement(1) des médecins libéraux sous un PASS(2) de revenus est de 70 %, avec un rendement de 6,4 %. Avec la réforme, ce taux de remplacement tombe en dessous de 50 % et le rendement baisse à 4,95 %, diminuant paradoxalement la couverture des plus fragiles.
• Le pouvoir d’achat du futur retraité
Dans le régime universel, les retraites baisseront jusqu’à 33 % alors que la cotisation, qui reste fiscalisée, ne baissera que de 20 %.
• Le taux de cotisation
En dessous d’un PASS, ce taux s’élève à 25,31 % (28,12 % - 2,81 %) pour un médecin, et n’est que de 10,12 % pour un salarié (40 % de ce que paie un médecin). À revenu égal et assiette égale, un médecin paiera 2,5 fois plus de cotisations qu’un salarié(1) !
• La contribution de solidarité
Je rappelle ici qu’une cotisation sans droit est un impôt, ni plus ni moins. À revenu égal, un médecin paie 2,81 % quand le salarié ne paie que 1,12 % de contribution de solidarité (40 % de 2,81 %), une inégalité devant l’impôt.
• Cotisation du médecin en cumul qui donne des points
C’est une demande très ancienne, ajoutée à la réforme sans qu’aucune étude de son financement n’ait été réalisée. Si elle est appliquée, cette mesure affectera inévitablement l’équilibre technique ouvrant la voie à une baisse de la valeur du point retraite pour la financer. Il serait ubuesque d’être dans l’obligation de faire du cumul retraite / activité libérale pour maintenir le niveau de sa retraite.
• La gouvernance
Celle du RU sera syndicale et attribuée à la représentation la plus importante, actuellement l’UNAPL. Ensuite, au sein du CPSPL (Conseil de la protection sociale des professions libérales), amené à remplacer la CARMF pour le pilotage de ses régimes, aucun retraité, aucun non syndiqué (95 % de la profession au total), aucun conjoint survivant ou invalide ne siègera en tant que tel. Mais alors, où seront-ils représentés ? Le Haut-Commissaire à la réforme des retraites aurait-il réinventé le suffrage capacitaire ? Finis la CARMF et ses délégués démocratiquement élus. Finis l’invalidité, le décès, l’action sociale…
• Le régime supplémentaire
Quelle est la légitimité d’un tel régime, qui constitue une nouvelle entité juridique ? En vertu de quoi celle-ci intègrerait- elle la CARMF ? Quel serait son mode de désignation, sa gouvernance ? Comment gérerait-elle les réserves de la CARMF, au nom de quel principe, de quelle légitimité ? La profession s’est-elle prononcée sur ce sujet ?
• Les réserves
La CARMF peut garantir la solvabilité du régime complémentaire selon son mode de fonctionnement actuel jusqu’en 2040 et au-delà. D’ailleurs, je souris quand on nous dit que le RU nous mettra à l’abri des aléas démographiques. Pour nous, ces aléas, c’est il y a vingt ans qu’il a fallu les gérer. Ce que nous avons fait, seuls, et qui nous permet d’aborder les périodes de déficit technique en toute sérénité. Par contre, le maintien des réserves sous tutelle de la CARMF, elle-même sous tutelle du CPSPL, ne donne pas la garantie de leur utilisation intelligente. La loi ne garantit qu’un usage exclusif pour les médecins, sans aucun engagement sur la rapidité avec laquelle elles seront consommées par rapport à l’état prévisionnel actuel. D’autant que le niveau des flux financiers nécessaires à l’équilibre technique n’est pas fixé par la loi.
Tout ceci forme une somme d’injustices faites à notre profession, que personne n’a dénoncée, et dont certains ont même fait la promotion !
Au milieu de ces interrogations une bonne nouvelle, la CARMF a décidé d’augmenter de 1 % la valeur du point du régime complémentaire, c’est certes insuffisant, mais après plusieurs années de blocage et d’efforts, c’est encourageant. Nous espérons toujours une augmentation des points de l’ASV(3), mesure dont les projections de la CARMF montraient qu’elle était possible immédiatement.
Je vous souhaite une belle année 2020.
Avec mes confraternelles amitiés.
(1) pour un revenu de 40 000 € un médecin paiera 11 248 € de cotisation, un salarié paiera 4 496 €, soit 2,5 fois moins.
(2) PASS : Plafond annuel de la Sécurité sociale, 41 136 € pour 2020.
(3) le régime ASV est géré exclusivement par l’État et les syndicats, comme le futur RU.
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