En matière de retraite la France s’est enfermée et continue son chemin dans une impasse. Ce n’est pas parce que nous avons toutes raisons d’être satisfaits des 60 dernières années qu’il faut croire ou plutôt faire croire au mouvement perpétuel, à l’invincibilité, à l’immortalité de la répartition. Confucius disait que l’expérience n’est qu’une lanterne rouge que l’on traîne derrière soi et qui n’éclaire que le chemin parcouru.
Les décideurs en matière de retraite pensent-ils honnêtement que dans une génération, la répartition sera capable d’assurer le minimum vital pendant sans doute 25 ans de retraite à tous ceux qui commencent leur vie active aujourd’hui ? Je ne le pense pas. Ce n’est pas une opinion personnelle ou politique, c’est une évidence actuarielle.
Faire ce constat ne veut pas dire que la répartition a été une erreur. Cela a été un bon système, c’est celui qu’il fallait prendre après guerre, et aucun autre, mais nos retraites ont toujours été pilotées par des décisions de politiques irresponsables méprisant l’avenir, non de gestionnaires responsables soucieux de construire des lendemains solides.
Faire ce constat ne veut pas dire non plus que la répartition fera faillite, il y aura toujours des cotisants et des allocataires, donc un équilibre, différent de l’actuel. Mais ce qu’il faut dire, c’est ce qu’elle assurera réellement dans une génération.
Enfin faire ce constat ne veut pas dire non plus qu’il faut la supprimer, mais cela veut dire qu’il ne faut pas compter que sur elle, et que si on la développe encore, elle ôtera toute capacité financière de la compléter.
Que faire ? Sans doute ce que nous faisons à la CARMF qui innove toujours : nous gérons la répartition du mieux que nous pouvons, car elle existe, sans retour en arrière possible. Nous l’améliorons avec des réserves dont le fruit remplacera demain une partie des cotisants défaillants. Surtout nous la gelons autant que possible au niveau actuel, afin de laisser aux actifs une capacité d’épargne dans d’autres systèmes, afin de compléter ce que la répartition ne pourra leur donner demain. Pour qu’ils aient conscience de cette nécessité, nous leur disons toute la vérité.
La France fait l’inverse. En cachant la vérité, elle ne pousse pas les Fran�ais à prendre conscience de la nécessité de compléter ce que ne leur apportera plus le système, et en poursuivant la fuite en avant, elle leur enlève toute capacité à le faire.
Depuis plusieurs millénaires, nous nous sommes enrichis et avons enrichi l’État avec un système reposant sur la famille, laissant à nos enfants un peu plus que nos parents nous avaient laissé, à charge pour eux de faire de même et de nous prendre en charge pour nos vieux jours.
Tout ceci a changé grâce à l’État Providence, qui nous permet depuis le milieu du XXe siècle de vivre au-dessus de nos moyens en renvoyant le financement aux générations futures.
La clé de voûte de ce système étant sans doute la répartition, qui permet d’acheter des votes grâce à l’argent des générations futures.
Résultat, en 60 ans nous ne transmettons plus d’actif à nos enfants, mais un passif : celui de l’État, 20 000 € par actif, mais surtout celui de la répartition, au minimum 200 000 €, sans compter le passif moral et culturel.
Nous avons oublié la finalité de la répartition, parfaitement expliqué par
son inventeur, et qui n’avait strictement rien de social. Bismarck était un
militaire à la poigne de fer, pas un élu social. Il cherchait à maîtriser le
peuple comme il avait réussi à le faire avec l’armée. Il a clairement écrit que
l’objectif de la répartition était de mieux contrôler les citoyens, en rendant
leur avenir dépendant d’un système collectif obligatoire.
Son détournement fort louable a des fins sociales, ne lui a malheureusement rien
enlevé des espoirs de son inventeur.
N’oublions pas que même les choses les plus belles peuvent présenter un danger.
Désolé de m’inquiéter pour mes enfants, mais c’est mon devoir de père ; désolé de m’inquiéter pour les enfants des autres, mais c’est mon devoir de citoyen solidaire ; désolé de m’inquiéter pour l’avenir du système, mais c’est mon devoir d’élu responsable même si dans ce pays, la responsabilité n’est plus une valeur morale.
Docteur Gérard MAUDRUX
Extrait du discours d’ouverture du Colloque sur l’Avenir des retraites du
12 septembre 2008, à l’occasion des 60 ans de la CARMF.
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