Juin 2011
Chère Consoeur, Cher Confrère,
Les syndicats souhaitent que l’on maintienne l’ASV et la retraite globale au niveau actuel, souhait et revendication légitimes que nous partageons tous. Mais est-ce que tout le monde en connaît le coût ? Le choix, l’engagement, entre maintien ou fermeture, ne doivent-ils pas se faire après le “devis” et non avant ? C’est ce que nous pensons.
A ce jour la seule proposition concrète de maintien de l’ASV est celle de l’IGAS en 2005 : le maintien et l’équilibre sur le long terme nécessitent un abattement des droits en moyenne de 50 % (66 % pour les points acquis avant 1992), avec une augmentation de la cotisation de l’ordre de 50 %. Les 6 à 8 ans de retard pour faire cette réforme ont alourdi la note, l’augmentation devant maintenant passer à 70 %. Il y a une marge de manœuvre : augmenter plus la cotisation pour baisser moins les retraites, et inversement.
En 2011, les recettes sont de 500 M€, les prestations de 600 M€. Il manque donc 100 M€. Dans 2 ans, il manquera 210 M€, dans 10 ans, ce sera 700 M€. Sans réforme, les réserves seront épuisées dans 2 ans et demi, et en 2015, la retraite reste “garantie dans la limite des ressources qui sont affectées au régime” (Art D 645-5 du code de la Sécurité sociale), soit une baisse de 40 %. Le maintien de la retraite nécessite 40 % de hausse de la cotisation en 4 ans. Ce n’est qu’un début montrant l’urgence et l’ampleur du problème. La négligence va vous coûter cher.
La CARMF tire la sonnette d’alarme depuis des années, elle a réuni les syndicats le 24 mars pour leur donner les dernières projections, ils ont décidé d’en faire une question préalable à la négociation conventionnelle, et nous avons enfin tous été conviés, le 21 avril, à une réunion sur le sujet.
Une présentation a été faite : principes de la répartition, état des lieux, comparaison avec d’autres régimes et les différents leviers possibles pour une réforme avec leurs effets : baisse des retraites, augmentation des cotisations, passage de 65 à 67 ans, fermeture, etc. Après un tour de table, le Ministère a constaté : “si nous avons bien entendu, la majorité souhaite le maintien du régime, comment pouvons-nous donc procéder ?”. Pour terminer, nous avons eu droit à une première ébauche, moins sévère que celle de l’IGAS : retraite à 67 ans, points liquidés -10 à -33 %, pour les futurs -13 %, et cotisation + 63 %. Seulement, l’équilibre tient moins de quinze ans, “après, on en rediscute”. Tout le monde a donc demandé des projections sur 35 ans, pour passer le cap difficile.
Les conséquences financières du maintien avec ces propositions des autorités posent problème. Avec une cotisation presque doublée passant de 4 140 € à 7 000 ou 7 500 €, avec une retraite ASV passant de 45 % de votre retraite il y a 15 ans à 38 % en 2011 à 20-25 % demain, si on veut maintenir la retraite globale au niveau actuel, le régime complémentaire devra passer sa part de 40 % à 55-60 % de la retraite globale. Pour cela, la cotisation devra passer de 9,2 à 12-12,5 % du revenu, soit en moyenne près de 3 000 €. Total général avec le maintien de l’ASV : 6 500 € de plus, pour une même retraite (4 500 € pour les secteur 1)! Certains appellent encore cela un “avantage social”.
Il faut cesser de mentir sur la fermeture. Elle ne coûte pas plus cher, car le maintien, c’est le prix des anciens droits (= fermeture), + celui des nouveaux droits. Ce n’est pas non plus une baisse de 40 % de la retraite : pour les retraités, pas de changement ; pour les actifs, ces 40 % baissent progressivement sur 30-35 ans, et sont remplacés progressivement sur le même temps par la cotisation ASV mise ailleurs et mieux garantie, le total devant plus ou moins rester le même, sans risque d’être divisé un jour par 3.
Nous avons été les seuls à exiger que le responsable de la situation, l’Etat, qui a toujours pris toutes les décisions, parfois sans rapport avec la gestion et l’équilibre d’un régime par répartition, parce que cela l’arrangeait dans un autre domaine (exemple 25 % de charge supplémentaire en 1981, sans en assumer le coût), participe au sauvetage, maintien ou fermeture.
Oubliez aussi certaines utopies pour venir à votre secours : compensation nationale, IRCANTEC, etc. Ainsi, l’IRCANTEC, c’est 2,8 millions d’affiliés, 2 milliards de prestations. Pour boucher notre “trou” de 700 M€, il faudrait qu’elle augmente sa cotisation de 30 %, sous prétexte que 1 % de ses cotisants sont médecins salariés ? Soyons sérieux. Le secteur public existait avant l’ASV, il n’est pas responsable de nos problèmes et il a les siens.
Si les jeunes se détournent du système libéral, c’est peut-être parce que nos conditions d’exercice ne sont pas bonnes, que notre système et ses “avantages” ne sont pour eux pas forcément des avantages. Il faudrait peut-être les inviter pour qu’ils viennent expliquer dans quelles conditions ils accepteraient de s’installer, et mettre en place ces conditions, au lieu de les exclure. Même chose pour les discussions sur l’ASV, car c’est eux qui demain payeront nos retraites, y compris la part des caisses maladie, dépendant des rapports qu’ils auront avec ces caisses !
Trois rapports ont vu le jour en un an sur ce sujet dont dépend notre rapport démographique, j’ai déjà dit ce que j’en pensais. Celui qui contient le plus d’éléments positifs est le rapport Legmann, pour lequel je n’ai évoqué que le scandale lors de la composition de ses membres, qui ne doit pas occulter le reste et le plus important : le travail accompli, contenant de nombreuses pistes intéressantes pour nous redonner quelques espoirs. Je tenais à réparer cette erreur.
Comme tous veulent imposer le maintien, la CARMF proposera pour la deuxième réunion une réforme beaucoup plus acceptable que les propositions de l’IGAS ou de la Direction de la Sécurité Sociale : augmentation de la cotisation correspondant à 1,5 % du revenu, cotisation identique pour les médecins secteur 1 et 2, mais avec 9 points au lieu de 27 pour les seconds, le tout pour une baisse de seulement 10 % des retraites liquidées à 67 ans.
Le désavantage par rapport à la fermeture restera le risque de devoir tout diviser par 3 quand les caisses, qui n’arrivent plus à rembourser correctement certains soins, devront rogner sur certains budgets. C’est le plus grand danger car un système par répartition qui émet des droits à couvrir dans 55 à 60 ans ne devrait pas être soumis à cette absence de garantie sur le long terme, concernant les 2/3 de ses recettes. Nous essayerons avec les syndicats de trouver une solution pour que l’Etat se porte garant en cas de défaillance.
Je vous prie de croire, Chère Consoeur, Cher Confrère, en l’assurance de mes sentiments les meilleurs.
Docteur Gérard Maudrux
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