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 La lettre du Président

Paris, mai 2023


Réforme des retraites, négociations conventionnelles, où va-t-on ?





Chère consœur, cher confrère,

La réforme des retraites

Adoptée et promulguée, la réforme des retraites n’aura que des effets très limités pour la CARMF. La principale mesure de report de l’âge légal de la retraite à 64 ans n’a pratiquement aucun impact sur la profession dont l’âge moyen de la liquidation des droits à pension s’établit à 66 ans et 4 mois.

- Le cumul retraite / activité libérale

Cette réforme va rendre la cotisation des médecins en cumul retraite / activité libérale attributive de points, mais au seul régime de base. Il conviendra d’étudier son extension aux régimes complémentaire et ASV.


Mais la CARMF ne fera pas d’effort seule dans son coin, et certainement pas en premier. En effet, après une campagne médiatique et syndicale demandant à la CARMF le rattrapage de l’inflation 2022 dans le régime complémentaire, RIEN n’a été fait dans l’ASV qui correspond pourtant à 30 % de la retraite. Ceux-là même qui s’étaient indignés de la prudence de la CARMF font maintenant preuve d’un silence assourdissant. Le rattrapage de l’inflation pour les allocataires aurait pourtant été financé à 50 % par la Sécurité sociale, alors que ce sont les cotisants et la gestion de la CARMF qui ont dû le financer à 100 % pour le régime complémentaire.


La plus grande prudence s’impose donc. Il faut bien prendre conscience qu’au régime complémentaire, le cumul avec attribution de droits a un coût : 2 % d’augmentation de la cotisation. Donc mesdames, messieurs, les syndicats, la Tutelle : « tirez les premiers » et n’oubliez pas la compensation de l’inflation 2022 à l’ASV.

- La retraite progressive

La réforme va ouvrir aux libéraux la possibilité de partir en retraite progressive. C’est un sujet que nous sommes bien sûr prêts à étudier avec bienveillance et dans l’intérêt de la profession. Je rappelle qu’il existe déjà la retraite « en temps choisi » qui offre la liberté du choix de l’âge de départ en retraite conjuguée à l’attribution de bonifications significatives.

La convention : la vraie cause du malaise

Si la réforme des retraites n’impacte pratiquement pas la CARMF, il n’en est pas de même de la convention dans la mesure où elle touche directement aux recettes de la CARMF, donc aux cotisations et bien sûr au montant des retraites versées.


Les négociations conventionnelles entre les services de la Cnam et les syndicats ont échoué suite à l’insertion de contraintes inacceptables et fantaisistes dans la négociation en contrepartie de conditions tarifaires ubuesques.
Ces négociations qui régissent notre activité sont renouvelées tous les cinq ans.


Soyons factuels, en 2022 la valeur de consultation des généralistes en euros constants, c’est-à-dire en valeur réelle, une fois corrigée de la variation des prix, est quasi inchangée par rapport à celle de 1980. La paupérisation de la profession est bien en marche.



En 1980, une consultation était rémunérée en moyenne 43 francs (6,55 €), soit l’équivalent de 20,04 € en 2022. Aujourd’hui à 25 €, cela correspond à seulement 25 % d’augmentation réelle sur 40 ans ! Il faut rappeler qu’entre 2000 et 2022, si la consultation a augmenté de 42,6 % en euros courants, le prix de l’électricité a progressé de 87 %, et le gaz a plus que doublé.


En l’absence de revalorisation, cela revient à dire que pendant les cinq prochaines années, jusqu’à la prochaine négociation conventionnelle, les médecins prendront encore davantage de retard sur l’inflation et se paupériseront du simple fait des augmentations à venir dans leur exercice médical au travers de l’augmentation des prix du matériel professionnel, des hausses de salaires du personnel, des loyers, de l’énergie, qui eux augmentent plus vite que l’inflation.


Ce n’est pas comme cela qu’on attire les jeunes générations. Ce n’est pas non plus en les menaçant par ailleurs de toutes les contraintes possibles et imaginables, dans un contexte où une pression sans précédent pousse certains jusqu’à des solutions extrêmes.


À 25 €, nous sommes loin des standards européens, voire mondiaux et ce, même en tenant compte des rémunérations sur contrat d’objectif (Rosp) pas du tout à la hauteur des promesses faites sur le papier. J’invite à cet égard la Cnam à publier les montants réellement versés et non les montants putatifs.

La profession en danger ?

Autrefois, les familles étaient fières de compter un médecin dans leur rang. Il y avait même des familles de tradition médicale où l’on était médecin de génération en génération. Aujourd’hui les médecins conseillent à leurs enfants de faire autre chose.

Qu’est-ce qui amène au choix d’une profession habituellement ?

- La vocation ?

Elle existe heureusement encore aujourd’hui. Y-a-t-il plus belle mission que celle d’aider son prochain ? Mais quand notre profession vit une telle dévalorisation, pourquoi faire dix ans d’études alors qu’il serait possible d’accéder aux mêmes prérogatives avec une maîtrise. À quoi bon le doctorat ?

- La considération de nos concitoyens ?

Subsiste-t-elle alors que le médecin est rendu à l’état de simple service par l’administration ?

La rémunération ?

Si le niveau de vie des médecins ne s’est pas dégradé outre mesure durant les 25 dernières années, c’est en raison uniquement de l’augmentation considérable de la charge de travail de chacun d’entre nous et non de la revalorisation pourtant légitime due à notre engagement.

- La sécurité professionnelle et personnelle du médecin et des siens ?

Une forme de sécurité de l’emploi existe mais sous la contrainte d’une obéissance à l’administration qui nous menace sans cesse de sanctions pour toutes les broutilles du quotidien et qui assortit notre rémunération au respect servile de paramètres politiques et sociaux, non pas à notre travail. Côté prévoyance, le médecin et sa famille sont bien assurés dans le monde libéral grâce au travail remarquable de la CARMF. J’invite d’ailleurs nos confrères salariés à contrôler leur couverture afférente.

- La retraite ?

Bien que la retraite du médecin libéral soit la meilleure des retraites des professions libérales, les inquiétudes sur l’avenir sont multiples et proviennent non pas de la CARMF, mais des autorités qui multiplient les chausse-trappes et mettent en péril l’équilibre technique à moyen et long terme par des mesures démagogiques et hors sujets (suppression des cotisations des retraités actifs, refus de baisses des cotisations au régime de base, augmentations intempestives des prestations non financées).


La médecine cochait favorablement toutes ces cases et en faisait un métier idéal. Les contraintes économiques d’un système social d’une générosité inégalée et les erreurs de gestion sont passées par là.


Est-ce la faillite d’un système ?
Est-ce un constat noir et pessimiste ?
Est-ce ici l’annonce d’une catastrophe approchante ?


Non car il est encore temps de changer de cap ; mais il faut de toute urgence rendre à la profession son attractivité et ses lettres de noblesse.
Il faut fabriquer des médecins et non des avatars. Nous ne saurons jamais tout, et c’est tous les jours et sur le terrain que nous nous formons. Il faut diminuer les contraintes administratives, tenir compte de la remarquable féminisation, rémunérer correctement les professionnels, ne pas prolonger à l’infini les études de médecine, laisser la profession s’organiser et chaque jour inventer, créer, avancer.


Il faut consulter les caisses de retraites et les écouter, elles savent ce qu’elles font et ne se sont jamais trompées durant les cinquante dernières années. Elles ont fait face aux crises comme aucune administration ne l’a fait, et sans ponctionner un centime de trop sur leurs cotisants ou leurs allocataires.


La médecine est un merveilleux métier.
Sauvons-le ensemble.


Avec mes confraternelles amitiés.


Docteur Thierry LARDENOIS


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